Je suis née par une journée d’hivers, là où la neige séquestrait le commun des mortels dans leurs demeures. L’année 1445 avait été rude pour tout le monde, plus particulièrement les personnes du peuple. Les morts se comptaient toujours par centaine, que cela soit chez les riches ou les pauvres. Ma mère Elizabeth Cheney me mit au monde dans la douleur, tandis que mon père fêtait cette naissance à la chance, attendant avec impatience la naissance d’un fils. Malheureusement, pour mon père Sir Frederick Tilney, je vins au monde en tant que fille, ce fut une déception pour lui, mais qui bien vite laissa place à la joie, après tout lui et son épouse avaient bien le temps pour concevoir un fils. Moi, Elizabeth Tilney, je fus élevé par ma mère, qui m’éduqua, mais principalement, durant les premières années de ma vie, par une gouvernante, dont je ne me souviens plus le nom. Chez nous, les nobles n’avaient pas pour habitude d’élever leurs enfants, seulement de les éduquer. Ma famille était riche, influente et à ma naissance, mon destin était tout tracé, on m’éduquerait et quand j’aurais l’âge, on me ferait épouser un homme tout aussi riche et influant que mes parents, à qui je donnerais de nombreux fils. En l’année 1447, alors que je n’avais que deux ans, je perdis mon père, cruelle fut la fatalité, cet homme si jeune disparut, emporté par la maladie et avec cela pour seule héritière une fille, moi. J’étais bien trop jeune à l’époque et je gardais peu de souvenir de cet homme brave, qui m’avait aimé. Deux ans plus tard, ma mère le remplaçait, pour un autre homme Sir John Say of Broxbourne. Je n’étais pas sa fille, pourtant il m’éleva comme telle, alors que ma mère lui donnait huit enfants, je me retrouvais dons avec trois frères et cinq sœurs, dont une qui ne survécu pas à l’enfance.
Dès que j’eus l’âge, on commença à tout m’apprendre pour devenir une bonne épouse. Couture, danse, chant, pratique d’un instrument, le latin, le français, l’histoire et de nombreuses autres disciplines rythmèrent mon quotidien. J’aimais apprendre, j’avais cette soif de connaissance, qui ferait une femme bien différente des autres. Même si j’étais une jeune fille obéissante, j’étais surtout une insoumise, qui prenait plaisir pour certains sports d’homme, comme la chasse. J’aimais galoper à travers les landes anglaises, grâce aux chevaux, je retrouvais une certaine liberté et j’étais heureuse. J’étais différente des autres enfants de ma mère et cela me pesait, j’avais vingt et un ans et contrairement à beaucoup de femme, j’étais comme une mouette, volant de mes propres ailes, là où les vents pouvaient m’emmener. En 1465, après l’arrivée des York au pouvoir, je m’installais à la cour, pour devenir dame d’honneur de la reine Elizabeth Woodville. La même année, je rencontrais un homme à la cour, Sir Humphrey Bourchier, fils du baron Berners et j’en tombais littéralement amoureuse. Après une cour assidue, nous nous marièrent en 1466 à Londres. C’était un homme de politique, comme moi, un homme proche de la couronne et en bonne épouse, je le conseillais du mieux que je pouvais. Ensemble, on parlait beaucoup de pouvoir et comme beaucoup, nous rêvions d’atteindre les sommets. Je servais la reine, lui le roi, nous formions un beau duo complémentaire. En 1467 naquit mon fils John Bourchier, qui concrétisa mon histoire avec John, nous étions si fiers de ce fils, qui bientôt fut accompagnée en l’année 1468 par une fille, ma belle Margareth. Mon quotidien se résumait alors ainsi, entre mes devoirs pour la couronne, auprès de ma reine Elizabeth, ceux auprès de mon mari, que j’aimais tendrement, puis dans mon rôle de mère. J’étais une femme banale, mais dans mon corps de femme se cachait un cœur de lionne, qui était prête à tout pour protéger sa famille.