À ma très chère sœur, aussi peste soit-elle…
July 24th, 1469, Calais
Votre lettre m’est bien parvenue soyez rassurée. Si vous n’avez pas été informée de mes derniers déplacements c’est que je ne souhaitais pas troubler la quiétude que vous sembliez vivre au sein de la cour mais surtout quant à votre grossesse. Je suis confiant que cet enfant naîtra dans de bonnes conditions et qu’il n’affectera pas votre santé. Je me suis permis de taire votre commentaire quant à la naissance d’un prochain fils à mon épouse et je vous intimerai ce précieux conseil de bien savourer chaque instant avec ces fils que Dieu seul vous a gracié. Ce Dieu qui n’a jamais cru bon de m’en offrir qu’un seul… Avait-Il en fait des projets plus grands que seules les filles du Kingmaker pourraient accomplir? J’ose y croire ma sœur…
À ce propos, elles vont bien et à notre retour je suis certain qu’Isabelle vous partagera la nature de notre venue à Calais. Je sais que la patience n’est pas votre qualité première mais j’estime qu’il vaut mieux taire certaines choses sur le papier… Je me permettrai simplement de dire qu’un grand destin l’attend et qu’elle aura besoin de sa tante adorée à ses côtés. Je sais combien vous savez toucher et réconforter cet enfant… Je ne doute donc pas qu’elle saura se tourner vers vous en temps voulu et que de votre part vous ne tournerez pas le dos à votre famille, les Neville. Passons…
Vous le savez bien ma sœur que j’ai toujours voulu le mieux pour vous. Mes souhaits ont toujours été des mieux intentionnés et j’ai fait en sorte de vous offrir une vie digne de votre nom. William Bonneville n’était certes pas le plus brillant des hommes mais à cet époque il vous a permis de vivre aisément et dans le confort d’un foyer paisible. Que Dieu veille sur son âme et protège le fruit de votre union. Cecily, le moment venu, trouvera à son tour un époux digne de ses intérêts mais d’ici là, elle devrait jouir sous peu de la présence de ses cousines. C’est mon souhait mais je crains que cela ne puisse durer… Il y aura beaucoup à faire à notre retour. C’est pourquoi j’aimerais vous retrouver à Warwick Castle… Je sais que vous appréciez vos appartements à la cour, aussi luxueux sont-ils, mais cette cour comme vous le savez est devenue hostile à notre famille Katherine!
Votre époux le sait bien… Ne soyez pas si prompte à le juger… William Hastings demeure l’homme de valeur auquel je vous ai marié et si seulement il pourrait se raisonner à joindre sa voix à la mienne pour faire entendre raison au Roi! Je sais Katherine pour avoir côtoyé votre époux lors de diverses missions pour notre royaume que nous partageons nombres d’idées… Contrairement à lui, je me vois incapable de ma taire plus longtemps. Je ne puis plus accepter de telles erreurs de jugements de la part du Roi. Quant à William… Est-il si aveuglé par l’amour qu’il vous voue pour ne pas voir tout le pouvoir qui lui pend au nez?! Avec le Lord Chamberlain à mes côtés personne ni même le Roi n’aurait pu contester notre influence sur le Conseil au lieu que ce soit ces paysans de Woodville! Je m’en rends bien compte aujourd’hui que je devrai agir sans lui… William Hastings est l’homme le plus loyal que je connaisse et il a offert cette loyauté qu’à deux personnes, le Roi et vous ma sœur… Par loyauté, il est prêt à respecter les mauvais choix du Roi tout comme vos mauvais choix en terme de tentures. Il ne vous en a jamais parlé je suis certain mais ne doutez pas qu’il déteste ces rideaux au point de m’en avoir parlé alors que nous chevauchions côte à côte!
Je crains que mes actions finissent par me mettre à dos un homme tel que lui et croyez-moi Katherine, je regretterai l’amitié d’Hastings mais les intérêts de notre pays doivent prévaloir sur les sentiments personnels. Le Roi aurait dû être le premier à faire preuve de sacrifices pour les intérêts de notre Royaume en mariant celle dont j’avais choisi! La Woodville aura pu faire une maîtresse que l’on aurait pu écarter une fois la flamme consumée… Voyez où cela nous mène lorsque l’on s’abandonne aux sentiments… Si comme je le pressens, je devais me détourner d’un ami comme votre époux, vous devrez vous souvenir que l’intérêt de notre famille doit prévaloir. Votre allégeance ne pourra se diviser en nos deux maisons. Ce calme qui règne à la cour n’est qu’une illusion sur un torrent prêt à se déverser sur le Royaume.
Alors que je termine cette lettre, nos affaires embarquent sur le navire qui nous ramènera sur nos terres. Je gagnerai celles-ci et vous retrouverez à Warwick Castle je l’espère. Ainsi, je pourrai vous expliquer plus en long et en large ce qui se prépare… Restez confiante et gardez la foi que vous avez toujours eue pour votre frère. Nous nous élèverons encore Katherine! Notre destin ne fait aucun doute sur son avenir grandiose! Je prierai le Seigneur de bien vouloir veiller sur vous. Vous priant aussi de taire ce pli et d’en conserver mes bonnes pensées pour vous.
Votre frère protecteur,
Richard Neville.