∞ révélations en famille

L’âme des Neville résidait à Warwick Castel. Anne ne pensait cela car on le lui avait mainte et mainte fois répété ou si elle y croyait réellement. Quoi qu’il en était, il n’y avait rien de mieux que de ce trouver chez soi, fatiguée par les voyages maritimes qui avaient ponctué ces derniers mois, tout semblait être revenu à la normal pour la demoiselle qui avait retrouvé les terres que son cheval foulait avec entrain. Mais Anne bien que naïve n’était pas idiote, et la relation entre George et Isabel, ainsi que le soulèvement qui naissait dans le nord l’inquiétait, elle qui avait cru à la paix qu’allait ériger le nouveau roi que son père avait posé sur le trône, voilà qu’ils semblaient devenir les troubles faites.
Le silence étouffant de la pièce dans laquelle elle était en train de broder avec sa sœur, sous les regards de leurs parents mettait la jeune fille presque mal à l’aise, ainsi, elle n’arrêtait pas de bouger sur son siège, se tortillant tout en enfilant des fils colorés sur le chas, guettant le moindre bruit venant de l’extérieur, relevant son nez et scrutant les fenêtres de ses yeux cristallins. Les Nevilles attendaient une venue importante, la tante d’Anne, Katherine Neville, et son nouveau fils. Un poupon qu’Anne avait hâte de découvrir.
La perspective de voir le nouveau garçon de la sœur de son mari ne semblait pas plaire à Anne de Beauchamp, mais comme à son habitude, la mère d’Anne ne démontrait rien, gardant pour elle tous ce qu’elle pouvait penser et les suspicions de la plus jeune des Nevilles n’étaient que des suppositions.
Plus elle grandissait plus elle se rendait compte à quel point les adultes pouvaient cacher la vérité sous bien des masques, et il lui semblait pour le moment impossible d’en faire de même à son tour le temps venu. Elle était une enfant docile, bien que possédant toujours un avis propre sur les choses. Bien souvent Anne se trompait, et Isabel la reprenait sans cesse, mais loin de prendre cela pour une leçon, elle écoutait les paroles de son aînée avec attention, y décelant une sagesse qu’elle aurait elle-même aimé posséder.
Piquant et repiquant dans son ouvrage, la jeune fille entendit soudain les bruits caractéristiques de sabots foulant la cours de leur domaine. Se redressant telle une pie sous le joug d’un objet brillant, Anne pria intérieurement pour que ce ne soit pas George mais bien sa tante qui arrivât ainsi. Elle n’avait rien contre son beau-frère, il l’impressionnait plus qu’autre chose, et elle ne lui adressait pas plus que les paroles de politesses du à son rang, le reste du temps elle l’évitait, craignant et sa beauté et ce charisme qui était les traits particulier des Yorks.
Isabel à ses côtés était d’un calme digne d’une princesse, et une fois de plus en posant son regard sur elle Anne fut impressionnée par cette femme qui était pourtant hier encore sa sœur chérie.
Les roues du carrosse crissèrent, et un cheval s’ébrouât.
Quelle joie ! Les voici enfin.
Anne bouillait intérieurement à la simple pensée que la famille se réunissait en ce lieu qui avait tout de saint à ses yeux. Elle pensait bien naïvement que la venue de Katherine permettrait aux siens de mettre de côté un temps les heures sombres qui planaient tel une épée de Damoclès au-dessus d’eux. Elle-même tentait de penser à bien des choses plaisantent à longueur de journée, bien que l’angoisse lui enserra le cœur à chaque fois qu’elle enfilât sa robe de nuit.
Katherine entra, belle et digne, il y avait incontestablement une forte ressemblance entre elle et son frère sans sa posture et sa manière de poser son regard sur autrui. Ce fut Isabel qui la salua en première, anticipant certainement la réaction de sa sœur.
Se précipitant vers sa tante et le nourrisson, la demoiselle posa un regard émerveillé sur le nouveau-né, un bébé beau comme le jour à ses yeux, et avec une main tremblante elle caressât les petits doigts boudinés du garçon avant d’adresser un sourire plein de reconnaissance à Katherine.

« - Mes félicitations ma tante. Quel beau petit. »

Portant son regard sur Isabel, une moue soudainement plus sérieuse se peignant sur son visage, oubliant presque la bienséance qui était de mise même lorsqu’il s’agissait d’une rencontre avec sa propre famille, la plus jeune des filles de Richard Neville s’adressa avec un ton des plus déterminé à son aînée.

« - Nous aurons des fils nous aussi ! Ils deviendront les plus beaux jeunes gens d’Angleterre. Peut-être même seront-ils roi Isabel, imaginez-donc. »

L’enthousiasme d’Anne n’avait d’égale que son jeune âge, ne se rendant pas compte du chemin glissant qu’empruntait et leur famille et ses paroles en ce moment précis.