William Herbert était assis contre un arbre, les yeux fermés, la brise du printemps effleurant doucement son visage. Les feuilles de l'arbre faisaient une protection contre le soleil déjà chaud malgré la jeunesse de la saison. L'homme paraissait avait le visage détendu, presque enfantin... Mais soudain ses lèvres se pincèrent et ses traits se tendirent, comme s'il était en proie à un cauchemar.

En fait, c'est que Will avait combattu aux côtés de son père pour la cause des Yorks, il y avait de cela quelques années. Vivre les horreurs de la guerre à un si jeune âge était commun à cette époque, mais cela pouvait tout de même laisser quelques séquelles. Celles de Will étaient des cauchemars récurrents d'hommes voulant l'abattre à coups d'épées ou de blessures des plus dégoûtantes. À cela se mélangeait la douleur de revoir son père dans ses rêves, car celui-ci était décédé il y avait de cela quelques mois seulement. Non pas que William avait vraiment aimé son père, mais cet événement signifiait surtout pour lui beaucoup plus de responsabilités, puisqu'il avait hérité du titre de 2nd Comte de Pembroke.

Toute sa vie avait changé après que le roi Edward IV ait réussi à avoir le trône d'Angleterre. En effet, alors que le roi annonçait qu'il avait décidé de se marier à Elizabeth Woodville, envers et contre tous, le père de William avait arrangé un mariage avec la sœur de celle-ci, Mary Woodville. William n'avait pas vraiment d'amour de jeunesse et il avait plutôt vécu la guerre, ne côtoyant donc que très rarement des jeunes femmes. Cependant, il savait qu'il ne voulait pas se marier à Mary Woodville, une demoiselle qu'il connaissait à peine. Il aurait aimé pouvoir faire à sa tête, comme son roi, et avoir un mariage d'amour.

Mais son père avait décidé une tout autre chose pour lui. Il s'était donc marié il y avait cela quelques années, à la jeune fille. William ne pouvait nier que Mary était très jolie, ce qui semblait être une norme dans la famille des Woodvilles, mais leur mariage resta tout de même très froid et les deux jeunes gens ne se parlaient que lorsqu'il était nécessaire de le faire.

Durant les premiers mois de son mariage, William sentait que le frère Woodville, Anthony, l'évaluait beaucoup. Le jeune comte de Pembroke se sentait jugé sur ses moindres faits et gestes. Mais plus les mois passaient et plus Will sentait qu'Anthony commençait à l'accepter comme beau-frère et même, ou peut-être n'était-ce que dans sa tête, qu'il commençait à l'apprécier. En tout cas, c'était complètement réciproque, car, fidèles à la même cause, Will trouvait la compagnie d'Anthony de plus en plus agréable. En plus, avoir des alliés dans la Cour qui semblait de plus en plus déchirée entre les Lancasters et les Yorks était un atout considérable.

Les pensées de William se dirigèrent alors vers Thomas Stanley, un homme qui était très proche du roi. L'esprit embrumé de rêves de Will fit alors apparaître une scène où Stanley semblait chuchoter contre le roi à une silhouette que le jeune homme ne pouvait pas reconnaître. William se réveilla alors en sursaut.

Il trouvait bien étrange d'avoir eu ce genre de pensée, alors même qu'il avait décidé que Stanley était bien un homme de confiance pour le roi. Après tout, il n'avait jamais rien fait qui pouvait montrer le contraire, alors pourquoi William aurait-il des doutes?

Le jeune homme s'étira alors et laissa porter son regard un peu plus loin dans les jardins du palais. Il remarqua tout de suite deux jeunes femmes qui se promenaient tranquillement en discutant entre elles. Un sourire discret se dessina sur le visage de William. C'est que l'homme n'était pas le plus fidèle des époux et la compagnie de jolies jeunes femmes était probablement ce qu'il appréciait le plus dans sa nouvelle vie de comte de Pembroke. S'il n'avait pas encore les membres aussi endormis, il serait sans aucun doute allé rejoindre les deux demoiselles. À la place, William leva les yeux vers le ciel bleu, regardant une envolée d'oiseaux passer. Le pays s'était calmé il y avait cela si peu de temps... Est-ce que cela allait rester ainsi encore longtemps? Malgré sa naïveté, William en doutait...