«How could he?! I made him!!»Sa femme demeurait là, immobile et passive à l’observer marcher de long en large du cabinet de Warwick Castle. Lui? Il la voyait à peine trop absorbé à se demander comment le Roi avait pu lui cacher une chose pareille. Tous ses voyages en France pour rien! Toutes ces discussions, ces négociations et que dire de sa crédibilité qui venait d’en prendre un coup! Tout ça en vain pour une veuve Lancastre! Oui devant sa femme à la posture parfaite, Richard Neville était furieux. Edward IV, le Roi qu’il avait lui-même mit sur le trône venait d’annoncer au grand jour qu’il s’était marié en secret à Élizabeth Woodville la préférant à une princesse de France! Le pire dans l’histoire est que c’est lui le Kingmaker qui traçait les grandes lignes d’un traité futur avec la France qui aurait été scellé par un mariage entre le Roi d’Angleterre et Bonne de Savoie… Maintenant tout cela était foutu en l’air comme le reste.
Il posa finalement les yeux sur sa femme, Anne de Beauchamp. C’était une belle femme comme il y en a peu, il n’avait pas à s’en plaindre. Elle remplissait son devoir et son rôle sans s’y dérober. Elle aurait été l’épouse parfaite si elle lui aurait donné autre chose que deux filles! Richard au fond, ignorait à quel point sa femme pouvait être derrière lui à le soutenir… Ils avaient bien plus en commun qu’il ne pouvait l’imaginer et pour se faire, il aurait fallu qu’il passe moins de temps dans les affaires d’états. Oui c’était vrai qu’il délaissait le lit conjugal pour se concentrer sur sa patrie mais en toutes circonstances le respect mutuel avait été préservé! Heureusement pour eux car leurs destins étaient liés depuis qu’ils étaient tout jeune. Richard n’avait que six ans et elle huit quand ils ont été promis en mariage. Le mariage célébré onze ans plus tard en 1434 fût des plus somptueux. Un mariage digne de la fortune que le couple allait acquérir par divers héritages que nous qualifierons de chanceux. À leur manière, ils avaient appris à se soutenir l’un et l’autre et de voir toute la force en sa femme permis à Richard de se calmer ce jour-là. Il inspira profondément pour en expirer toute sa colère et il eut une réflexion. Il était encore tôt à ce moment pour parler de rupture ou de complot envers le Roi mais il était clair qu’il n’oubliait pas qui il était, soit le Kingmaker!
* *
*
«
Tu verras ma sœur, il sera pour toi un excellent parti. Pourrais-tu rêver de mieux que le meilleur ami du Roi? En plus il a probablement autant de valeur comme homme qu’il est riche et influant. Un autre William… Hastings cette fois… Je te le présenterai, à ses côtés tu feras ton entrée à la cours par la grande porte! »
Callé dans un fauteuil le regard fixant le néant, Richard Neville laissait son esprit se perde dans ses souvenirs. Il se rappelait cette discussion avec sa sœur Katherine qui avait mené à son mariage avec le Lord Chamberlain of the Royal Household. Elle s’était produite à la sortie de la guerre civile. Edward IV venait d’être fait Roi par ses soins et William Hastings tout comme lui avait su être récompensé pour leurs efforts durant cette guerre. Après le désastre de Wakefield, comment on pouvait ne pas admirer l’homme qui avait sorti le Roi de ce calvaire? Richard se souvenait encore combien leurs noms faisant écho suite à leur victoire à Mortimer’s Cross… Une main se glissa sur sa joue, Richard était fatigué… Épuisé de voir ses efforts menés à rien… Alors qu’Edward avait été victorieux, on lui créditait la défaite de la deuxième bataille de St-Albans… Bien sûr il aurait été probablement en sécurité s’il serait demeuré à l’intérieur des fortifications de Londres mais qui aurait ralenti l’avancée de Marguerite d’Anjou? Celle-là même qui a fait décapiter son père!
Non Richard avait dû sortir et aller la combattre à St-Albans. Il fallait acheter du temps pour que l’armée d’Edward puisse rejoindre la sienne à Londres. Lorsque cette bataille n’avait plus aucune chance d’être gagnée, il se souvenait de cette dure décision d’abandonner son prisonnier sur le champ de bataille. Ce prisonnier qui était nul autre qu’Henry VI lui-même! Mais c’était là le genre d’appât qui lui permit de regrouper son armée en déroute et de rejoindre Edward… Encore ces échos de leur victoire… Edward qui chevauchait fièrement à la tête de ses troupes sous l’aile protectrice d’Hastings… Ce dernier d’ailleurs avait tôt eu fait de reconnaître l’immense courage de Warwick lors de St-Albans… Ils se vouaient un profond respect et ensemble ils ont marché vers Londres. La capitale était demeurée loyale à Warwick qui put à ce moment faire d’Edward un Roi…
Il ne restait plus qu’à vaincre une fois pour toute les Lancastre! Toujours dans son fauteuil, Richard baissa les yeux vers sa jambe qui fût blessée avant la bataille décisive de Towton. Malgré une flèche reçue dans la jambe la veille à Ferrybridge, Richard allait faire preuve d’un grand leadership en menant l’aile gauche à Towton. C’est sans hésitation qu’il avait tué son propre cheval devant ses hommes afin que tous sachent qu’il n’y aurait aucune fuite possible! Durant cette bataille, la plus sanglante de l’histoire de notre pays, plusieurs hommes de valeurs perdirent la vie… Par contre, Richard se souvenait des hommes qui étaient revenus triomphant à Londres. Pour sa contribution durant la guerre et bien sûr d’avoir fait d’Edward un Roi, Warwick avait cumulé les récompenses et les richesses. La reconnaissance d’Edward su largement récompenser Hastings élevé baron dès lors… Il semblait alors des plus logique de le marier avec sa sœur et de joindre une Neville à cette gloire. Le reste de la famille Neville eu aussi de grandes récompenses. Plusieurs membres furent nommés à des postes clés de l’organisation du Royaume et ainsi, Edward IV pouvait commencer son règne bien entouré!
Comment tout avait-il pu tout changer en si peu de temps? Voilà pourquoi il était assied au fond de ce fauteuil : Richard ne pouvait plus digérer la cours actuel du Roi. À peine trois ans plus tard et le conseil rapproché du Roi s’était peu à peu métamorphosé… La belle-famille du Roi s’y était incrustée et ce dernier commençait à leur accorder beaucoup plus de crédits qu’il n’en devrait. Alors que quelques années plus tôt Richard pouvait sentir les plus hautes marches du pouvoir, maintenant il était de plus en plus écarté. Le Roi ne lui disait plus tout. Il prenait des décisions en secret, dans son dos! Richard se sentait insulté, trahi même. Cette fois, la nouvelle humiliation dont il venait de subir face à Lord Rivers était de trop. Rivers, le beau-père du Roi, souhaitait que la sœur du Roi, Marguerite, se marie dans le but de former une alliance avec la Bourgogne. Le Kingmaker quant à lui voyait là l’occasion de renforcir les relations avec la France. Déjà qu’Edward avait préféré la Woodville à Bonne de Savoie, aujourd’hui c’était l’annonce d’un traité secret avec la Bourgogne qui faisait passé Warwick pour un con.
Quelle espèce de crédit lui restait-il face aux français? Richard Neville n’était pas naïf au point de ne pas voir les tentatives des Woodville de l’écarter peu à peu du pouvoir… Ils ne voulaient pas que l’écarter lui mais bien les Neville en général et Richard ne l’acceptait pas. George Neville renvoyé de la Chancellerie et le refus d’Edward de marier son frère George Plantagenêt, Duc de Clarence à sa fille Isabelle Neville dans un ultime effort de lié leurs famille, alors là Richard comprit que Rivers l’avait supplanté en influence au conseil et qu’il n’y avait plus sa place. Ainsi, Richard Neville, le Kingmaker c’était replié à Warwick… Si les hommes de valeurs étaient maintenant écartés du gouvernement, il était alors peut-être temps de reconsidérer ce gouvernement…
* *
*
« - Mais ce sont des navires espagnols! »
« - C’est ça ou bien ils déserteront ou ils mourront de faim! Alors qu’on se saisisse de ces navires et de leur cargaison sur le champ! L’armée de Calais représente la force la plus importante et je compte la maintenir en état de combattre! »
Il n’était pas question de rester là les bras croisés alors que la Reine Marguerite d’Anjou faisait tout pour les isoler à Calais. Richard Neville, Capitaine de Calais était coupé du reste de l’Angleterre et la Reine ayant compris toute la menace qu’il pouvait représenter lui avait coupé tout approvisionnement. Cet ainsi que contraint de réagir, Richard avait analysé ses options. Il était comme cela, un fin calculateur, un stratège et un homme bourré de ressources. Il savait se saisir de chaque chose qu’il avait sous la main pour le tourner à son avantage. Que fait-on lorsque les vivres baissent et que nous avons une armée et des navires sous la main? On s’en sert afin de nourrir tout ce beau monde et d’y gagner la loyauté et le respect de chacun!
Tout en méprisant la politique diplomatique d’un gouvernement qu’il ne reconnaissait plus, Richard Neville avait ordonné l’attaque sur des navires espagnols alors qu’aucun conflit n’était déclaré entre ces nations. Bien sûr que cela allait créer des tensions entre les deux royaumes mais on ne parlait pas là d’actes de guerre mais bel et bien de piraterie! L’expérience fut si fructueuse que quelques semaines plus tard, c’est toute une cargaison de sel d’un navire hanséatique qui y était passé. Par ses actions, Warwick venait de s’attribué une renommée sur « l’English Channel » et l’admiration de la garnison de Calais. Si la Reine l’avait cru affaibli et hors de portée de nuire, elle s’était bien trompée! Il ne fallait jamais estimer le Comte de Warwick vaincu et toujours se méfier de sa capacité à rebondir. Richard ne se laissait jamais abattre et une fois qu’il connaissait toutes ses options, il savait capitaliser sur ses opportunités. C’est donc avec cette même garnison de Calais qu’il était revenu au côté du Duc d’York pour hanté les Lancastre et ultimement offrir un nouveau Roi à l’Angleterre. Si ces Woodville et en particulier ce Lord Rivers le croyait hors-piste parce qu’ils avaient maintenant plus d’influence au conseil que lui alors là, ils faisaient bien tous erreur! Le passé l’avait démontré et il ne fallait jamais compter le Kingmaker comme étant vaincu! Cette fois, il n’avait peut-être pas des navires et toute une armée sous la main mais il estimait avoir une arme d’autant plus supérieure. C’est à cet instant que Richard Neville pouvait estimer le parfait ouvrage de sa femme quant à l’éducation de ses filles. Vraiment, Anne de Beauchamp en avait fait, surtout dans le cas d’Isabelle, une fillette prête à assumer un grand destin. En fait, Anne l’avait élevé telle une Reine et c’était au tour de Richard de faire en sorte qu’une couronne se pose sur sa tête.
Grâce au joyau qu’avait façonné sa femme, il avait là un atout capable de satisfaire sa quête de pouvoir et de vengeance. Rien de personnel contre Edward il fallait le dire mais ce dernier devait maintenant assumer ses mauvais choix. Qu’on ne vienne pas lui lancer la pierre! Warwick ne réagissait qu’en fonction des mauvaises décisions de celui qu’il avait mis au pouvoir quelques années plus tôt. Si le Roi c’était contenté de suivre ses conseils avisés, on n’en serait pas là! Mais aujourd’hui c’était trop tard… La situation avait atteint la limite du possible et Richard avait en sa possession un allié outre sa femme partageant sa soif de pouvoir : le frère même du Roi, George Plantagenêt Duc de Clarence…
N’allez pas croire que les deux hommes se vouaient une amitié ou une loyauté sans faille… Par contre les deux se complétaient dans leurs ambitions. Chacun étant l’instrument de l’autre à sa façon et encore une fois Warwick allait faire ce dont pourquoi il était reconnu : faire un Roi! L’idée avait séduite le Duc de Clarence et la seule condition était un mariage avec sa fille toute destinée à ce grand destin. Ce mariage n’était pas une idée qui datait d’hier… Richard l’avait depuis toujours envisagé mais avec le refus du Roi de voir naître une telle union… Alors que lui avait marié qu’une simple veuve Lancastre… Il était donc clair qu’il faudrait maintenant organiser ce mariage dans le plus grand secret. Oui sa fille si bien dévouée allait devenir l’épouse de George et ils allaient monter sur le trône! Il en avait décidé ainsi et le Kingmaker était de nouveau à l’œuvre. D’ici peu, tous ses projets allaient se mettre en branle. Oui Richard Neville allait réussir à chasser Edward IV du trône, il se l’était promis. Lord Rivers en payera les frais et ces Woodville disparaîtront du paysage royale, un endroit où ils n’auraient jamais dû atterrir. Avec fierté il regarda sa fille aînée… Oui elle serait parfaite! Parfaite pour accomplir sa volonté et ses ambitions! Parfaite comme instrument de ses plans! L’échec?! Ne lui restait-il pas une autre fille?! […] Il était l’homme le plus riche et puissant d’Angleterre après le Roi, ceux qui l’avaient oublié allait découvrir bien assez tôt qu’ils auraient dû se méfier de l’eau qui dort…