Isabel regardait par la fenêtre de sa chambre. De la cour on pouvait apercevoir son visage d'une blancheur semblable à celle de la neige entouré de boucles aussi noires que l'ébène. Ses yeux d'un bleu froid comme la glace semblait perdu vers l'horizon. En vérité, elle observait sa cadette. Son cœur se pinçait d'une jalousie enfantine. Son poing droit se serra. Un tic dont elle avait pris l'habitude lorsque quelque chose la contrariait. Loin d'en vouloir à cette petite sœur chérie, Isabel remarqua qu'elle enviait Anne. Non, c'était plutôt à son père qu'elle en voulait. Lui qui ne lui accordait que si peu d'attention, alors qu'elle faisait tout pour être parfaite. En effet, là était le but de l'aînée Neville. Se montrer digne du nom qu'elle portait. Ainsi, elle écoutait sa mère et ses précepteurs avec attention, s'évertuant à ne décevoir personne. Et cela depuis qu'elle était en âge de parler.

Ses doigts vinrent effleurer le carreau de verre. Que n'aurait-elle donné pour pouvoir seulement échanger une seule journée avec Anne. Pour pouvoir se dégourdir les jambes dans les champs qui entouraient le majestueux château familial. Cette maison était tout pour elle et pour ça sœur. Elles y étaient nées et y avaient grandis. Elles ne pouvait que l'admirer avec ses tours immenses et ses salles magnifiquement décorées. Or, cela semblait impossible. Irréaliste. Isabel devait se rendre à l'évidence. Elle était l'aînée et devait donc se comporter comme tel. Elle était la future représentante des Neville. Une fille insignifiante et pourtant si importante. Bien sûr ses cousins pourrait reprendre la relève. Mais c'était elle la fille de Richard, le « kingmaker » et depuis qu'il avait mis Edward sur le trône, c'était lui qu'on suivait. Pourtant ses exploits ne lui avaient pas amenés d'héritier. Isabel était née fille comme sa sœur. Le ciel ne semblait pas vouloir accorder à l'un des hommes les plus importants d'Angleterre le bonheur d'avoir un fils. De ce fait, le comte de Warwick semblait dégoûté  de n'avoir que des filles. Ainsi depuis qu' Isabel avait compris ceci, elle s'évertuait à écouter son père.

Soudain, elle sursauta. Quelqu'un avait frappé à la porte de sa chambre. Elle jeta un regard vers la porte puis reporta son attention sur sa sœur qui courait derrière la chien trop rapide pour elle, leur tante Margaret à ses côtés. « Entrez ». Sa voix était faible, enraillée, presque imperceptible. « Entrez! ». Elle le répéta plus fort pour que l'étranger qui venait de rompre le cours de sa pensée l'entende. Lorsque celui-ci entra, elle ne vit pas son visage, mais le reconnue par sa voix. Une voix douce et reconfortante. Celle de sa nourrice. « Miss Isabel, votre professeur de latin est là. ». Isabel se retourne vers elle, le regard tendre, un sourire amical aux lèvres. « Bien nanny … Dis-lui que j'arrive dans quelques minutes. »